Bérénice
Avec Karyll Elgrichi, Pierre-Félix Gravière, Johanna Korthals Altes, Isabelle Lafon, Judith Périllat
Adaptation Isabelle Lafon Lumière Jean Bellorini
Bérénice, tragédie de la maturité racinienne, écrite en 1670, est remarquable par sa simplicité d’action. Bérénice, reine de Palestine, et Titus, empereur de Rome, s’aiment. Mais l’accession au trône de ce dernier change le cours des événements : Titus revient sur sa promesse de mariage. Incapable d’affronter Bérénice, il demande à son ami Antiochus, roi de Comagène et héros de Rome, de lui annoncer la séparation à venir. Antiochus nourrit depuis des années un amour fou pour Bérénice. Il se confie à elle, tout en lui annonçant la décision de Titus, s’avouant enfin, malgré lui, le rival de l’empereur. Tragédie de l’opposition entre les langues du cœur et de l’Etat, Bérénice est une élégie sans mort, un long poème des amours perdues.
A ceux qui reprocheraient à l’œuvre le manque d’action, on pourrait répondre : aimer, n’est-ce pas agir ? Et décider de ne plus aimer ? Et finalement, arrêter la marche du destin, et décider de ne pas se sacrifier, de ne pas mourir ?
Le véritable engagement politique et poétique de Racine est ailleurs, dans la langue inventée. C’est l’alexandrin qui met la langue dans tous ses états, par cette hospitalité sans merci de la forme, à la fois extrêmement sophistiquée et hypnotique comme une litanie.
Après son adaptation de La Mouette et le triptyque Les Insoumises, interprétés avec une grande simplicité et dans une épure du plateau, Isabelle Lafon s’attelle ici à la forme classique par excellence. Elle compose un groupe de cinq comédiens, un homme et quatre femmes, une distribution inattendue sans doute, capable de recevoir la confidence de Racine. Les personnages apparaissent, incarnés tour à tour par chacun, aidé en cela par un espace construit de lumières et par un plateau magnifiquement dépouillé.