L’Opoponax

L’Opoponax

de Monique WittigLES INSOUMISES (photo by Pascal Victor/ArtComArt)

Mise en scène Isabelle Lafon

Avec Isabelle Lafon et Vassili Schémann (batterie)

 

 « Mon Opoponax, c’est l’exécution capitale de quatre-vingt-dix pour cent des livres qui ont été faits sur l’enfance. C’est la fin d’une certaine littérature et j’en remercie le ciel. » Marguerite Duras, postface de L’Opoponax.

L’Opoponax commence le premier jour de Catherine Legrand dans une école dirigée par des religieuses à la campagne, elle a environ 5 ans. Le livre se termine alors que Catherine Legrand est interne, adolescente, elle a grandi, elle doit avoir 14 ans. Rien dans le livre ne dit explicitement quand Catherine Legrand grandit.

On suit cela. On est avec Catherine Legrand comme une caméra pourrait filmer à hauteur de visage la petite fille qui entre dans cette école religieuse et, au fur et à mesure, se rehausserait pour toujours rester à hauteur du visage de l’enfant qui grandit. On est très près de ce qu’elle rencontre, de ce qu’elle voit : la campagne, l’école, les sœurs, les autres enfants.

Mais ce n’est pas tant l’histoire racontée que l’écriture même de Monique Wittig qui nous propulse dans ce monde.

Le « on » est omniprésent dans le texte comme si ce « on » nous incluait et nous obligeait à entrer dans l’histoire par la langue de l’enfance, par cette langue qui débusque tout à mesure qu’elle le voit. « On » est entraîné avant même de se demander quel âge a Catherine Legrand. En quelle classe est-elle ? On le sait comme secrètement, on le sait par ce qui est vu et décrit par Catherine Legrand. On s’imagine que c’est peut-être nous qui manions la caméra.

« On », c’est Catherine Legrand, c’est Valérie Borge, c’est Denise Causse, c’est Vincent Parme, c’est Anne-Marie Losserand ou Laurence Bouniol, c’est Madame La Porte (qui a un chignon), c’est Mademoiselle, c’est tout ce monde qui est nommé et qui surgit par le fait même d’être nommé. N’est-ce pas aussi le propre du théâtre que de nommer pour faire apparaître ?

« C’est celui qui dit qui est », disent les enfants dans la cour de récré et la langue de Monique Wittig procède de cette façon. Dire ce texte, c’est déjà le jouer et se laisser entraîner au triple galop par la langue de l’auteur. C’est une machine de guerre qui vous entraîne, on n’a pas le temps de jouer les personnages évoqués et, si on accepte de la suivre, ça se joue tout seul. Il suffit de la laisser parler, d’en saisir le rythme et, sans se poser la question de l’incarnation, on est Catherine Legrand, on est Mademoiselle face à Catherine Legrand, on est le soleil qui se couche…

Comme dans les cours de récréation où on fait les plus grands, les plus joyeux, les plus violents « voyages » avec un simple morceau de craie, ici ce sera un batteur, un micro, une comédienne. Un récit-al.

La batterie donne le rythme du récit, le provoque pour donner la chance à Catherine Legrand, au paysage, à la campagne, aux événements, d’apparaître et de disparaître. Juste cette utopie.

  • Théâtre La Parenthèse, à Avignon, dans le cadre de la Belle Scène Saint-Denis – 11, 12, 13 et 14 juillet 2015
  • La Colline, théâtre national – du 20 septembre au 20 octobre 2016
  • Théâtre La Piscine à Châtenay-Malabry – 27 novembre 2016
  • Maison des Métallos à Paris – du 18 au 22 juillet 2017

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